Elles sourient mais n’allez pas croire pour autant que c’est un travail facile !

Au lavoir du bourg

Elles sourient mais n’allez pas croire pour autant que c’était facile!

Le linge  est transporté dans un ballot sur le dos ou, si le chemin le permet, dans une brouette , généralement sans côtés. Toujours à la même place, les laveuses s’agenouillent dans une caisse garnie de paille ou d’un coussin et posent près d’elles leurs outils : le battoir, la brosse de chiendent et le savon de Marseille. Puis elles trempent le linge dans le lavoir, l’étalent devant elles sur la pierre, le savonnent et ainsi de suite, morceau par morceau.
Le linge blanc, c’est-à-dire les draps, les serviettes, les torchons, les sous-vêtements…, est bouilli dans une lessiveuse, près du lavoir sur un feu de bois ou à la maison dans la cheminée, sur le fourneau ou dans une grange.

Plus tard, retour au lavoir pour rincer le linge. Pour parfaire le travail, une boule de « bleu » dans la dernière eau de rinçage rend le linge plus éclatant. Parfois, en été, le linge est étendu sur la prairie pour le blanchir au soleil.
La tâche est rude, les mains souffrent (gerçures et crevasses) surtout sous la pluie et en hiver où il faut parfois casser la glace. « Les doigts étaient tout blancs, à en pleurer. Quel soulagement quand les gants sont arrivés ! ». Perrine Jaouen, 2009.
« Pendant la guerre, faute de savon on utilisait du saindoux ; on fabriquait aussi une sorte de savon avec du ris de veau que livrait le boucher qui habitait la « maison rose ». Thérèse Lars, 2008.

Malgré l’essorage, le linge mouillé pèse lourd et rend le retour difficile. « On étendait le linge sur un fil derrière la maison, avec des épingles en bois qui noircissaient le linge ; il fallait les passer à l’eau de javel régulièrement. Le fil rouillait le linge, heureusement plus tard il y a eu le fil galvanisé ! » Janine Cornen, 2009.

Périodiquement, il faut curer le lavoir mais c’est souvent le travail des hommes. Certains lavoirs permettaient une belle pêche d’anguilles et les adolescents s’en donnaient à cœur joie. « En bout de lavoir se trouvait une plaque de bois qui servait de vanne de vidange. C’était une fête car au moment du coup de balai, il pouvait sortir des anguilles! Le plaisir des gamins était de les attraper mais l’anguille est tellement visqueuse qu’elle glissait entre les doigts. Il fallait pour les prendre, mettre un tissu dans la paume de la main ce qui supprimait la viscosité. » Raymond Lamour 2008.

Il y avait aussi des laveuses professionnelles ce qui soulageait certaines familles et procurait un petit revenu. « Après les quatorze ans de ma sœur aînée , Jeanine, une ferme de Pen-ar-Menez nous donnait aussi son linge à laver . Il fallait d’abord le chercher , puis le bouillir dans la lessiveuse , le rincer au lavoir et le retransporter à domicile . Belle corvée pour la jeunette qui ne cherchait qu’à aider à la ferme . Ma plus jeune sœur, Marie –Ange connut aussi un peu cette période des lessives multiples d’entraide agricole ,car c’était bien mal payé… » Gaby Le Gall, 2009″
C’était dur pour les laveuses professionnelles, elles consacraient une journée par famille, elles avaient vite des rhumatismes, de l’arthrose. » Thérèse Le Gac, 2009.

A l’arrivée de l’eau courante à la maison (1962), certaines ménagères se sont fait installer un bassin en ciment dans la cour ou le jardin en attendant la machine à laver, « fini les contraintes on peut laver son linge quand on veut, avec plus de confort et profiter des éclaircies ». D’autres ont acheté une petite machine manuelle, à poser sur l’évier, qui leur permet de laver tranquillement le « petit linge ».
L’arrivée de l’eau courante s’accompagne assez rapidement de l’acquisition d’un lave-linge, ce qui soulage grandement les femmes, mais certaines résistent, persuadées qu’elles n’obtiendront pas un linge parfaitement propre s’il n’a pas bouilli tandis que d’autres continuent à brosser et savonner le linge avant de le confier à la machine : « C’est pas Dieu possible, elles n’avaient pas encore suffisamment trimé sans doute ! » Perrine Jaouen, 2009.